Dotonbori : l’art de briser la routine par la danse

Dotonbori est un concentré d’expériences visuelles et narratives enthousiasmantes qui ont réussi à capturer la complexité d’une vie ordinaire transformée par le pouvoir libérateur de la danse.

Dotonbori Ari

Un court-métrage audacieux

Dotonbori, court-métrage d’animation de 5 minutes et 52 secondes, dirigé par Baptiste Chema, Enola Chaussumier, Mina Van Laer, André Bontoux Saliceti et Sarah Gardouh, sait captiver grâce à son style graphique audacieux et son ton humoristique. Sélectionné aux Rookie Awards 2024 -2D Animation ainsi qu’au prestigieux DC Independent Film Festival de Washington, ce projet étudiant illustre avec brio l’ingéniosité créative de jeunes talents en devenir.

L’histoire suit Ari, un employé de bureau dont la vie est réglée par sa routine professionnelle. On découvre l’employé à travers son quotidien de salarié avec ses automatismes presque comme les autres. Loin de l’image d’un personnage déprimé cherchant refuge dans les excès, Ari, incarné avec une légèreté touchante, a un exutoire. Le personnage aux allures discrètes va danser.  Ce contraste entre sa journée morne et sa nuit effervescente est au cœur du film, jouant avec les codes de la comédie pour livrer un message inspirant.

Une réalisation expérimentale maîtrisée

 « Avant tout, Dotonbori est un film que nous avons réalisé dans le but de nous amuser. Nous amuser à expérimenter, à s’exprimer et aussi à raconter une histoire », disaient les réalisateurs à propos de leur vision du film.

Ce désir d’exploration se traduit notamment par une grande liberté graphique et narrative au service du récit d’une histoire profondément humaine. L’équipe s’est autorisée à jongler entre différents styles visuels et palettes de couleurs. Le colorscript propose une évolution chromatique crescendo : des teintes froides et désaturées pour la vie de bureau d’Ari à une explosion de couleurs vives et saturées lors des séquences en boîte de nuit. Les couleurs contrastent alors entre le comportement passif d’un quotidien rigide en opposition à l’énergique de la nuit.

L’animation numérique, réalisée sur ToonBoom Harmony, suit cette transformation. Dans les premières séquences, Ari apparaît presque figé, enfermé dans sa monotonie. Mais dès qu’il pénètre dans l’univers nocturne, son mouvement devient fluide, dynamique et totalement libéré. Cette progression visuelle et rythmique témoigne d’un travail minutieux et d’une compréhension manifeste des principes d’animation.

L’équipe a également relevé des défis techniques à l’élaboration du storyboard, à la création des décors et à l’animation de la danse. Chaque membre du groupe avait initialement animé une séquence, mais le rendu manquait d’unité. Pour y remédier, ils ont conçu une chorégraphie harmonieuse en restructurant les segments afin de créer une montée en puissance fluide et immersive, traduisant l’extase d’Ari lorsqu’il danse.

La danse : exutoire et liberté d’expression

Au cœur de Dotonbori, la danse se présente comme le pivot essentiel de l’intrigue, véritable avec la monotonie imposée. C’est dans ce moment de libération que le spectateur découvre la véritable essence d’Ari, bien au-delà de son rôle de comptable routinier. La séquence de danse, travaillée frame by frame, représente un moment de réinvention personnelle. L’assemblage initial des différentes parties de danse, réalisées de manière individuelle, ne donnait pas le rythme escompté. C’est dans cet obstacle que réside la force de Dotonbori : chaque membre de l’équipe a apporté sa touche personnelle à cette séquence, créant une mosaïque de styles. Grâce à l’esthétique soignée de la chorégraphie, le travail collectif s’est transformé en une succession d’images fluides et cohérentes qui a insufflé à la séquence une dynamique hypnotique. L’animation inventive et l’atmosphère électrisante de la boucle narrative souligne la routine et l’importance des moments où l’on ose s’en défaire.

Dotonbori se distingue par ailleurs avec une bande-son immersive. Le travail autour de la musique et du sound design a pourtant nécessité une réorganisation rapide. Face à une collaboration initiale qui ne répondait pas aux attentes, Baptiste Chema, également musicien, en a composé la musique en collaboration avec Antoine Ferragu, tandis que Mina Van Laer s’est chargée du sound design. Cette prise en main du projet sonore a permis d’obtenir un résultat en adéquation avec l’univers rythmé du film.

Parmi les inspirations cinématographiques, on retrouve notamment l’influence du réalisateur japonais Masaaki Yuasa (Mind Game, The Night is Short, Walk on Girl), à travers les designs expressifs et les personnages excentriques de la boîte de nuit. L’ambiance disco et les mouvements de danse rappellent quant à eux des classiques du genre comme Saturday Night Fever, Dirty Dancing et Footloose. En bonus, les réalisateurs nous offrent des représentations humoristiques du protagoniste en post-générique !

« Heureux d’avoir porté ce projet à bout car il répond à nos attentes de départ. »

En définitive, Dotonbori est un concentré d’expériences visuelles et narratives enthousiasmantes qui ont réussi à capturer la complexité d’une vie ordinaire transformée par le pouvoir libérateur de la danse. Une belle promesse pour l’avenir de ces jeunes talents de l’animation !