Le court-métrage d’animation Emmy, réalisé par Soline Augris, Emma Bouchon, Laura Carpentier et Mila Mersch, se distingue dans le paysage de l’animation étudiante. Ce film, qui retrace avec poésie le parcours d’Emmy Noether, mathématicienne visionnaire du début du XXe siècle, a déjà conquis les jurys de nombreux festivals. À travers une animation 2D soignée et une narration subtile, Emmy célèbre la persévérance et le génie d’une femme ayant participé à la relativité générale, révolutionné l’algèbre abstraite et la physique théorique.

Un parcours remarqué dans les festivals
Le succès d’Emmy ne s’est pas fait attendre. Lors de la première édition du Festival Talenima, le film s’est vu décerner le prestigieux Grand Prix Edelweiss du jury, se démarquant parmi 38 œuvres étudiantes issues de huit écoles. Ce triomphe souligne l‘originalité et la maîtrise technique du court-métrage. Emmy a également brillé au niveau international en étant finaliste du concours The Rookies 2024, qui met en lumière les talents émergents de l’animation.
Le court-métrage est par ailleurs sélectionné pour la 3ᵉ édition du The Animation Tanzania Film Festival et mis en avant lors de l’événement Talents en Région 2024 au Festival ExtrAnimation, Emmy s’est distingué par sa narration captivante et son esthétique travaillée. La prochaine étape pour le film sera le Latest Vision : International Women’s Day Film au Royaume-Uni, un festival unique diffusé via des chaînes locales à Brighton, Belfast et Sheffield. Cette reconnaissance croissante témoigne de l’impact d’Emmy et de l’émotion qu’il suscite auprès d’un large public.
Une réalisation technique et artistique maîtrisée
À travers les yeux du personnage d’Emmy, la vocation du court-métrage est de montrer les mathématiques sous un autre angle. Le récit débute par le point de vue du personnage principal lisant une gazette, point de départ de l’histoire. Ensuite, le personnage du passager du train est le ressort comique et le prétexte pour observer Emmy : « une personne qui travaille […] très concentrée dans son travail, qui s’étale et qui fait du bruit », explique Emma. Le soleil est alors un repère de temporalité dans le récit. La bande sonore, composée par Claire Laroze et mixée par Corinne Gigon, rythme et accompagne les émotions du récit. L’absence de dialogue accentue le pouvoir narratif de l’image et de la musique, rendant chaque scène plus expressive et immersive.
Le travail collaboratif des réalisatrices est également à saluer. Emma Bouchon et Laura Carpentier se sont attelées au storyboard et à l’animatique, tandis que Mila Mersch a imaginé les personnages et Soline Augris les décors réalisés sur Photoshop avec l’aide d’une maquette 3D pour l’intérieur du train, à la suite de recherches à la gouache. L’univers ferroviaire d’une gare puis d’un wagon, situe le récit : « En attendant mon train, l’idée m’est venue », raconte Emma Bouchon au magazine Echosciences. Le style d’animation audacieux a demandé du temps pour réaliser certains plans et décors comprenant beaucoup de calques de grande résolution. L’implication de Noémie Combe quant à elle, chercheuse en algèbre abstraite, garantit la fiabilité scientifique des concepts mathématiques abordés.
Un portrait féministe et poétique
Au-delà de son aspect technique ou graphique, Emmy est une ode à l’émancipation féminine et à la quête du savoir. Le choix d’Emmy Noether fut pour elles une évidence : que ce soit le personnage, sa personnalité, ses talents ou l’époque, tout fascine alors les réalisatrices.
Le film retrace un épisode fictif, mais symbolique de sa vie : sa traversée de l’Europe à bord de l’Orient-Express pour présenter ses travaux révolutionnaires au Congrès International de Mathématiques. La protagoniste de ces 6 minutes 30 secondes défie les normes de son époque en s’attaquant à une équation considérée comme insoluble.
Les séquences oniriques où Emmy manipule les concepts mathématiques dans un ciel étoilé traduisent avec lyrisme sa passion. Elle s’affranchit des codes et elle repousse les limites théoriques.
Ce voyage devient une métaphore de la détermination d’Emmy pour s’imposer dans un milieu scientifique largement masculin où les femmes scientifiques n’étaient pas considérées. Dans le plan à l’arrivée à la gare de Paris, elle est dans la lumière tandis que les hommes sont dans l’ombre, paradoxalement à la suite du récit. En effet, lors du congrès qui est pensé comme un spectacle, elle se retrouve dans l’ombre tandis que son homologue masculin est sous le feu des projecteurs.
Le contraste entre lumière et ombre souligne avec subtilité l’injustice et le silence qui entourent souvent les contributions des femmes dans les sciences. Les réalisatrices parviennent à capturer l’essence de cette figure injustement oubliée par l’Histoire, résultat d’une longue phase de recherches sur le contexte politique et artistique de l’époque.
À travers Emmy, Soline Augris, Emma Bouchon, Laura Carpentier et Mila Mersch offrent non seulement un hommage vibrant à une mathématicienne de génie, mais rappellent aussi l’importance de transmettre l’héritage des femmes scientifiques aux générations futures. Ce court-métrage contemplatif, aussi émouvant qu’inspirant, est une invitation à explorer l’histoire des sciences sous un nouvel angle, empreint de poésie et d’humanité.