Un film d’animation onirique sur la résilience
Le court-métrage Le Monde est ton Huître, réalisé par Amandine Grenier, Quentin Le Floc’h, Haï Martin, Malou Plu et Lou Hinn, plonge le spectateur dans un récit introspectif et poétique. Mélangeant drame, contemplation et slice of life, le film suit Hani, une jeune sportive qui perd l’usage de ses jambes après un accident. Confrontée à une rééducation difficile dans un centre au bord de la mer, elle oscille entre réalité et rêve, cherchant un nouveau sens à sa vie. La mer, omniprésente, devient le miroir de ses angoisses, où elle poursuit inlassablement une mystérieuse lumière, métaphore de sa quête.
Inspiré de l’animation japonaise des années 1980 à 2000 (Ponyo sur la falaise, Les Enfants de la Mer, The Tatami Galaxy, Ghibli), le court métrage de huit minutes et quinze secondes se distingue par un mélange unique de styles graphiques. La direction artistique joue sur une nostalgie teintée de douceur, renforcée par des couleurs pastel et des textures aquarellées évoquant d’anciennes photographies de vacances. Ce contraste entre la réalité du handicap et la poésie des rêves permet d’éviter un ton excessivement dramatique, laissant place à une émotion sincère et nuancée.
La musique composée par Andy Guerrieri se veut minimaliste avec une mélodie reconnaissable. La tonalité allant du mystère à la motivation du protagoniste avec le piano à l’apparition de la lumière. Les pauses silencieuses accentuent la réflexion du personnage tandis que la guitare électrique souligne la motivation d’Hani.
Une direction artistique d’inspiration rétro et japanimation
Le Monde est ton Huître adopte une identité graphique empruntant aux codes de la Japanimation ou bien des inspirations telles que les Totally Spies et Jeanne et Serge pour les character designs et les musiques, tout en conservant une touche franco-belge. L’équipe a choisi un style hybride où les personnages sont entièrement en aplats de couleurs, avec un léger grain texturé rappelant les techniques traditionnelles. Les décors détaillés réalisés sur Photoshop et Toonboom Harmony accentuent cette impression de rêverie et d’instabilité. Un effet VHS et des flous colorés viennent altérer la qualité vidéo, renforçant cette esthétique rétro.
Les scènes de rêve, quant à elles fantastiques, offrent une rupture graphique marquée : une palette de bleus froids, des contrastes exacerbés et un effet aquarellé donnent aux visions nocturnes d’Hani une atmosphère hypnotique et angoissante. Les animations y sont plus libres et mouvantes, traduisant ses peurs et sa confusion. Le personnage principal a une fascination pour l’immensité de la mer qui nourrit ses rêves et semble détenir des réponses. L’eau joue un rôle central, tant dans l’histoire que dans le visuel, évoquant à la fois le flottement et la perte de contrôle.
Au même titre que le personnage principal, les étudiants ont appris au contact les uns des autres : « Mes camarades m’ont personnellement énormément apporté techniquement, et nous pouvions compter les uns sur les autres. », déclare l’un des réalisateurs. Le défi pour les étudiants s’est porté sur la réalisation du storyboard et de l’animation, qui a demandé une grande rigueur technique. L’équipe a dû réajuster de nombreuses scènes pour assurer la cohérence du chara-design en faisant au préalable une passe des animés tie down afin d’assurer la cohérence des designs, tout en maintenant un niveau de détail élevé. Certaines séquences complexes, notamment celles de time-lapse intégrant l’eau et les effets de lumière, ont nécessité des cycles d’animation réutilisables pour optimiser la production sans nuire à la qualité visuelle.
Plonger vers la reconstruction : défi technique et récit sensible
Le Monde est ton Huître est une ode à la résilience. D’abord accablée par son immobilité et un cadre familial étouffant, l’héroïne trouve une nouvelle motivation. Au sein d’un centre de rééducation, Hani nage le jour, tandis que dans ses rêves, Hani retrouve sa mobilité en poursuivant une lumière. La discipline de la natation devient alors son échappatoire et son moyen de se réapproprier son corps. Pour garantir une représentation authentique du handicap, l’équipe de réalisation s’est rendue au Centre de l’Arche en phase de préproduction. Cette initiative a permis aux étudiants de suivre les soins lors des séances (exercices exécutés, balnéothérapie et machines utilisées), d’interagir avec les patients et de découvrir leurs témoignages. Cela a permis de traduire avec justesse les difficultés du quotidien et de l’estime de soi, mais aussi les petites victoires et les instants de joie partagée.
Loin du documentaire, le film cherche à capturer les émotions universelles liées à l’acceptation de soi et au dépassement des épreuves. L’humour et la camaraderie y tiennent une place essentielle, équilibrant la mélancolie du récit. La dynamique entre les personnages secondaires apporte une touche de légèreté bienvenue, rendant le parcours d’Hani encore plus touchant.
En s’inscrivant dans une réflexion plus large sur la représentation du handicap, Le Monde est ton Huître résonne avec les enjeux contemporains, notamment sa création à l’approche des Jeux Paralympiques de 2024. Il met en lumière l’importance du sport comme vecteur de reconstruction personnelle et d’inclusion. À travers une esthétique colorée et une narration immersive, ce court-métrage parvient à capturer la force intérieure nécessaire pour avancer, même lorsque tout semble perdu.
Réalisation : Amandine Grenier, Quentin Le Floc’h, Haï Martin, Malou Plu, Lou Hinn
Dialogues : Soline Darnet, Martine Martin, Dominique Lelong, Eric Venien, Hector Martin
Musique composée par : Andy Guerrieri